pubebook

 

KSENIA DRAGOUNSKAIA

Déluge

traduction Nadejda Syndyashkina (Nadia Rodriguez)


L'auteur qualifie la pièce de documentaire. Elle a pour sujet les "derniers jours" de Mologa, ville noyée par l'immense réservoir artificiel de Rybinsk.

Rybinsk, petite ville de 250 000 habitants, située à 380 kilomètres au nord de Moscou, a connu à partir des années 1930 un fulgurant développement industriel qui en fit l'un des fleurons du VPK, le complexe militaro-industriel soviétique. Elle fut, à ce titre, fermée aux étrangers jusqu'en 1991 et reste profondément marquée par une culture du secret, du silence et de la dissimulation.
Située sur les bords de la Volga, cette cité interdite et repliée sur elle-même, a été marquée par la politique des grands travaux staliniens. La construction de 1936 à 1941 d'un barrage hydroélectrique par les centaines de milliers de détenus des Volgolag (goulags de la Volga dont Rybinsk fut la capitale, plus de 700000 détenus entre 1936 et 1953), provoqua en effet l'inondation d'un territoire de 5000km2 devenu l'immense mer artificielle qui borde maintenant la ville.
Elle a aussi impliqué le déplacement forcé vers Rybinsk de près de 130000 personnes, parmi lesquelles les milliers d'habitants de la ville de Mologa, déplacés mais restés prisonniers de l'espace soviétique, au voisinage immédiat de leur terre natale désormais engloutie.

La pièce a été mise en scène en 2004 par Olga Soubbotina au Centre de la Dramaturgie et de la Mise en scène de Moscou et présentée à Rybinsk.
Elle a été mise en espace par Guy Naigeon à l'occasion du festival de Die (Drôme) 2004 conscré à la Volga.



Extrait du texte

Faucille et Marteau habitent à Mologa. Faucille a dix ans, Marteau en a sept.
Leur mère, fille des paysans aisés, est belle. Leur père est membre du Parti.
Un sans-culotte, dit la grand-mère maternelle.

Mais au moins il est joyeux et gentil.

Personne n'a un père aussi gai. Il joue de la mandoline.

Il coupe gratuitement les cheveux à tous ceux qui le veulent. Il a fabriqué de ses propres mains un vélo pour Faucille et Marteau. Au début, tout le monde se dispute et se bagarre, et après, on monte sur le vélo chacun son tour. Et voilà que le vélo se déglingue à pleine vitesse. Marteau se met à brailler mais Papa lui dit que quand on aura construit le communisme, tout le monde aura un vélo.

Tous ! Chacun son vélo.

Et puis Papa apprend l'espéranto pour pouvoir correspondre avec les prolétaires du monde entier. Et même avec ceux de la planète Mars. Papa dit que sur Mars le prolétariat existe aussi. Voilà comment il est le papa de Faucille et de Marteau. Tout le monde en ville le connaît. On l'appelle affectueusement « notre Kolia ».

Un dimanche matin, Faucille et Marteau reviennent en courant et se mettent à crier à qui mieux mieux que des arpenteurs sont arrivés. Ces arpenteurs disent qu'ici à Mologa, on va faire une mer.

Une mer !.. On va nous construire une mer !

Mais où est-ce qu'on va prendre autant d'eau ?

Les arpenteurs disent qu'au printemps, la neige fondera et que les ruisseaux se jetteront dans la Volga, la Mologa et la Cheksna qui seront fermées par un barrage. L'eau ne coulera pas mais elle inondera les rives, les champs, les villages et les forêts.

Tout sera noyé.

Avant, la mer était loin, mais à présent on aura notre mer à nous ! Voilà combien Staline est bon !

A Mologa et dans ses environs, on ne parle que de la future mer. Le pays a besoin d'électricité. Le monde entier sera étonné de découvrir une mer créée par la main de l'homme.

Et tous les habitants de la région déménageront dans un autre endroit avec leurs maisons.

Comment cela ?
Personne ne sait.
Ne comprend.
N'y croit.
Même dans les journaux on n'écrit rien sur la mer.







 
deluge

COMMANDER
cote NOVAIA : NRU 84



Descriptif
Pièce montage documentaire constituée d'archives (procès verbaux, lettres, circulaires) dont la citation est entrecoupée de scènes imaginées ou reconstituées

Personnages
minimum 5 hommes, 5 femmes



dragounskaia

Ksénia Dragounskaïa
" Moi, je suis plutôt conteuse : je peux voir dans la vie réelle des choses improbables."

mologa

Mologa, ville noyée

 

     TRADUCTIONS disponibles au catalogue Novaia-russe




 

     AUTRES TRADUCTIONS publiées en France




 

     TRADUCTIONS à paraître en extrait




 


le theatre russe par Gilles Morel depuis 2006 - tous droits reserves