TRADUCTION A PARAITRE

 

VASSILLII SIGARIOV

Douleurs fantômes

traduction Sophie Gindt, Hélène Henry


Extrait du texte

DMITRI. - Tu voulais me raconter quelque chose.

GLEB. - Aaa ... au sujet de cette ...

(il se visse un doigt sur sa tempe)

DMITRI. - Elle a un problème ?

GLEB. - Non, elle est normale. Elle a juste le toit qui s'est envolé. Tu peux te la faire.

DMITRI. Je comprends rien à ce que tu me racontes.

GLEB. - Son mari bossait ici. A ta place. C'était un ... poète. Bref, un imbécile. Un bigleux à lunettes. Vovtchik.

DMITRI. - Le mari Vova !

GLEB. - Volodia ! et Olia, elle était comme ça. Tous les jours, elle lui apportait sa gamelle. Elle lui donnait à manger et après ils baisaient. Elle avait toujours des draps propres avec elle. Alors, j'ai eu une grande idée.

DMITRI. - Laquelle ?

GLEB. - Lui faire des cornes.

DMITRI. - Et alors ?

GLEB. - J'ai pas eu le temps.

DMITRI. - Qu'est-ce qui s'est passé ?

GLEB. Putain, il est mort connement ... Le tramway lui a coupé les jambes jusqu'au nombril ... Allez, verse ... Il est resté allongé sur les rails jusqu'à 5 heures du mat. Quand on l'a trouvé, il avait les tripes qui lui sortaient du ventre. A cause du gel, elles avaient collé aux rails ... Mort de chez mort. Ca arrive à tout le monde. Mais elle ... Olia ... Elle l'a cherché partout pendant 3 mois. Après, elle a disparu. Je l'avais complètement oubliée. Cet été, j'étais dans l'équipe de Vova. A la place où tu es maintenant. J'avais mis ses lunettes qui étaient restées là. Devine qui entre ?

DMITRI. - Le chef de la relève ?

GLEB. - Ca pourrait ... mais non.

DMITRI. - Elle, c'est ça ?

GLEB. - Elle entre toute maquillée, avec un gâteau. Je comprends rien. Elle dit : «Bon anniversaire, mon chéri». Elle m'offre une pochette en cuir. Tu sais comme celle des flics.

DMITRI. - Je comprends pas ...

GLEB. - Moi non plus, putain, je comprends rien ! Je la regarde, putain, à travers mes lunettes. Faut faire gaffe, elle a pas l'air nette. Et puis, j'ai pensé, vas-y, profite du moment. Elle a mis des bougies sur le gâteau, elle a fait chauffer du thé. C'est la première fois de ma vie que je soufflais des bougies. On a mangé le gâteau. Qu'est-ce que tu penses qu'on a fait après ?

DMITRI. - Tu te l'es faite.

GLEB. - C'est plutôt elle ! Elle a ôté les verres de la table, a étendu un drap sur le divan, tout propre. Ma tête s'est mise à bourdonner d'un coup. J'ai bu du thé, j'ai voulu fumer une cigarette, mais elle m'a passé un savon. En fait, Vovtchik - le mort - il avait arrêté de fumer. Je le savais pas.

DMITRI. - Je comprends !

GLEB. - Attends. Quand elle s'est endormie, je me suis tiré. On sait jamais qu'elle se réveille. J'ai piqué du fric dans son sac ... Bon. Qu'est-ce que t'as compris ?

DMITRI. - Tu ressembles à son mari.

GLEB. - Justement, c'est faux, je lui ressemble pas.

DMITRI. - Ben alors pourquoi ?

GLEB. - Putain, ça fait une demi-heure que je t'explique - elle a plus de cerveau ! Elle croit que son Vovchik est vivant et qu'il bosse ici. C'est comme pour le vieux qui sent son bras. Alors qu'il a qu'un moignon. Faut juste les lunettes.
DMITRI. - Et à part toi, quelqu'un a essayé ?

GLEB. - Tout le monde lui est passé dessus. Des délégations entières. Olia, c'était notre curiosité locale. Notre statue de la liberté. (Ils boivent) Si tu veux, aujourd'hui, on va se lâcher.
Personne le saura. Ca te dit ?



 

Pièce en un acte

Personnages

DMITRI, 25 ans
GLEB, 25 ans
OLGA










sigariov

Vassilii Sigariov, 2002

 

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