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VASSILLII SIGARIOV

La famille du vampire

traduction Aline Botteman


Extrait du texte

Lioudmila Ivanovna : Il nous arrive encore un malheur, Marina.
MARINA, dépose sa cuillère : Quoi ? Romka ?
LIOUDMILA IVANOVNA : Romka... Romka... Il a recommencé.
MARINA : Mais pourtant vous l'aviez...
LIOUDMILA IVANOVNA : Oui, on l'avait soigné, parait-il. Je n'ai pas encore remboursé le prêt, et lui...
MARINA : Vous en êtes sûre ?
LIOUDMILA IVANOVNA : Oui.
MARINA : Et depuis combien de temps ?
LIOUDMILA IVANOVNA, au bord des larmes : Oh, Marinotchka, je ne sais pas. J'ai bien regardé ses bras tous les jours. Il n'y avait rien du tout. J'étais contente. Et puis, il y a une semaine, j'entre dans sa chambre un matin, sa couverture avait glissé. J'ai voulu le couvrir. Je m'approche, et il avait comme ça ici, sur les mollets (elle montre) de telles traces de piqûres. C'était tout bleu : il n'y avait plus un centimètre de peau intacte ! Et pourtant il est resté à la maison, il sortait une heure ou deux, puis il rentrait. Il avait même arrêté de fumer. Il lisait plein de livres. On l'avait inscrit comme demandeur d'emploi.
MARINA : Et maintenant ?
LIOUDMILA IVANOVNA : Maintenant... Maintenant il est déchaîné. Il ne rentre que pour dormir. Il part le matin, il rentre le soir. Il ne se cache plus, il a recommencé à se piquer dans les bras. Il trimbale sa seringue avec lui.
MARINA : Et à votre avis, ça fait longtemps ?
LIOUDMILA IVANOVNA : Je ne sais pas, Marinotchka. Je te dis, je regardais ses bras, et il a appris à le faire dans les jambes. Et puis quelle différence, s'il y a longtemps ou pas. S'il a recommencé, c'est fini, il ne s'arrêtera plus.
MARINA : Il s'arrêtera. Si ça ne fait pas longtemps, il n'est pas trop tard.
LIOUDMILA IVANOVNA : Oh, je ne sais pas. Peut-être un mois, peut-être deux... Ou peut-être dès qu'il est rentré de l'hôpital, qui sait. Pourtant il est resté tout le temps à la maison. Et ses bras n'avaient rien. J'ai regardé presque tous les jours.
MARINA : Non, en rentrant de l'hôpital, ce n'est pas possible. Il est venu chez moi il y a deux mois. Il était normal. Il n'avait rien nulle part. J'ai vérifié quand il dormait.
LIOUDMILA IVANOVNA : Donc, ça veut dire au pire deux mois. Et qu'est-ce que ça fait ?
MARINA : Il faut qu'il y retourne. Qu'on le soigne.
LIOUDMILA IVANOVNA : Avec quoi ?! Avec quoi je le ferais soigner ?! Où est-ce que je trouverais les cinq mille roubles maintenant ? De nouveau emprunter ? Plus personne ne me donnera d'argent, je n'ai pas encore tout rendu. Et il n'y a même plus rien à vendre. Il a déjà tout emporté. L'or, le cristal, toutes les chapkas, la literie. Il n'y a plus qu'à vendre l'appartement, l'échanger contre un plus petit et une somme d'argent. C'est la seule issue. Sinon... (Elle pleure). Autant me pendre, pour ne plus rien voir et ne plus rien entendre ! Seigneur, ce qu'il m'a fait endurer ! Il a sucé tout mon sang goutte à goutte, goutte à goutte ! En un an, mes cheveux sont devenus tout gris, je suis devenue une vieille femme. Parfois je me dis que ce serait mieux qu'il fasse une overdose, pour ne plus se torturer et ne plus nous torturer...
MARINA, lui touche la main : Lioudmila Ivanovna, il ne faut pas...
LIOUDMILA IVANOVNA : Oh, Marinotchka... Tu crois que c'est facile de parler comme ça de son propre fils ? J'ai pitié de lui. Tellement pitié que mon coeur saigne. C'est pour ça que je ne fais rien pour moi, parce qu'il faut le sauver, le tirer de ce tourbillon. A part moi, plus personne n'a besoin de lui sur cette terre. Son père s'est détourné de lui il y a longtemps. Il a pu. Et moi, voilà, je ne peux pas. Je ne peux màme pas me pendre, parce que plus personne ne pourrait plus l'aider. Seulement moi. Sa mère. C'est ma croix et je dois la porter.
MARINA : Lioudmila Ivanovna...
LIOUDMILA IVANOVNA : Quoi, Marinotchka ?
MARINA : Cela ne sert à rien.
LIOUDMILA IVANOVNA : Et qu'est-ce qui sert ? Quoi ?
MARINA : Il faut y retourner, encore une fois.
LIOUDMILA IVANOVNA : Mais je n'ai pas de quoi l'y emmener. Voilà les cent derniers roubles dans mon porte-monnaie. Et le père ne voudra pas échanger l'appartement. Il est à lui.

Pause

MARINA : Je trouverai l'argent.





 
goupiochka

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cote NOVAIA : NRU 96










Pièce en deux actes

Personnages

Roman, 20 ans
Lioudmila Ivanovna, sa mère,
institutrice, 40 ans
Piotr Piétrovitch, père de Roman,
invalide, 50 ans
Marina, 20 ans
Viktor
Sergueï
Natacha
Un policier















sigariov

Vassilii Sigariov, 2002



 

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