SPECTACLE EN RUSSIE



genesis

A propos de la pièce

De la même façon que Oxygène, Genesis N°2 utilise comme point de départ un thème biblique. Ce qui est intéressant ici, c'est la nature hybride du texte : Ivan Viripaev, un représentant de la dramaturgie russe contemporaine, a en effet choisi d'écrire à partir du texte d'une patiente psychiatrique (Antonina Velikanova). Ce dernier texte est inspiré par le récit vétéro-testamentaire décrivant Lot et sa femme fuyant la ville de Sodome incendiée. Le manuscrit témoigne en fait d'un manque de technique d'écriture dramaturgique, cependant Viripaev s'est employé à l'organiser en ajoutant de nouveaux épisodes et en introduisant certains extraits de sa correspondance avec l'auteur. On peut donc dire que ces deux « co-auteurs » se rencontrent dans l'espace d'un texte théâtral, en se confrontant tous deux à la même problématique d'états mentaux limites. Mais là où l'une les vit dans l'expérience soltaire de la psychose, l'autre cherche à en élaborer une expression artistique.
Le résultat final du texte présente une construction serrée à trois voix : celle du prophète Jean, celle de Dieu lui-même et celle de la femme de Lot qui, tour à tour, cherchent à mettre à jour le sens du récit biblique. C'est l'opposition entre la voix de Dieu et celle de la femme de Lot qui est d'abord la plus marquée : Dieu semble affirmer sa propre non existence alors que la femme de Lot cherche à prouver qu'il existe ; par ailleurs, Dieu prétend que l'homme est « quintessence de poussière » (ce Dieu souffre visiblement du syndrome d'Hamlet), tandis que la femme de Lot veut montrer qu'en plus de la chair périssable il y a autre chose. Cette dispute paradoxale dans laquelle le blasphémateur principal s'avère être Dieu lui-même peut résonner dans l'oreille de certains comme un blasphème prémédité. Selon moi, elle est coloriée non pas de nihilisme, mais au contraire du désir désepéré de l'homme à croire, en particulier dans des situations où il est lui-même son unique source de foi.
Galin Stoev




Genesis N°2

Texte
Antonina Velikanova
Ivan Viripaev


Mise en scène
Viktor Ryjakov
Décor
Dmitri Razumov
Musique en scène
Aïdar Gaïnulin

Avec
Alexandr Bargman
Svetlana Ivanova
Ivan Viripaev


Coproduction
teatr.doc Moscou /
Theater der Welt, Allemagne


fullversion EXTRAIT VIDEO 3 MN


Prix
Novaia Drama Moscou 2005 : Svetlana Ivanova Prix de la meilleure comédienne


Le texte

Scène I. (texte de Ivan Viripaev)

Lu devant le plateau.
Bonjour. Je m'appelle Ivan Viripaev, et avant que vous ne commenciez à regarder le spectacle, je voudrais dire quelques mots au sujet de la pièce d'Antonina Velikanova Genèse N°2 que nous allons vous présenter aujourd'hui. Il est très important que je vous parle de l'auteure de cette pièce. Il se trouve qu'Antonina Velikanova est internée dans un hôpital psychiatrique, son diagnostic est une schizophrénie aiguë. Elle m'a transmis cette pièce par l'intermédiaire de son médecin traitant. Voici la lettre qui l'accompagnait : Bonjour, Ivan! Je m'appelle Antonina comme vous Arkadii Ilyitch l'a appris. Je sais que vous n'avez pas le temps et que vous êtes occupé en permanence, mais je me suis tout de même décidée. J'ai lu vos pièces, j'ai aimé votre façon d'écrire. Il y aurait matière à polémique mais à quoi bon polémiquer ? Et quand polémiquer, en avons-nous le temps? Je vous transmets ma pièce. Pas pour que vous la jugiez. Je ne suis pas dramaturge, j'étais dans le passé professeur de mathématiques (maintenant pour moi tout est dans le passé), mais j'ai décidé sans savoir pourquoi d'écrire précisément pour le théâtre. Peut être parce que Le monde est un théâtre et les gens sont des acteurs, comme l'a dit Shakespeare. J'ai compris ce que cela signifie, j'espère que ma compréhension sera entendue par les spectateurs. Bref, j'ai écrit une pièce. Je vous la transmets. Je vous prie, si c'est possible, de la mettre en scène. Arkadii Ilyitch m'a dit que, dans votre théâtre, vous mettez en scène même les pièces de gens qui sont en prison pour meurtre. Je n'ai tué personne, je n'ai fait du mal à personne, mis à part moi-même et mes proches. Si la mise en scène se réalise, je considérerai que j'ai accompli ma tâche. Si ce n'est pas possible, donnez-moi une réponse. Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez réduire ou compléter ce texte comme bon vous semble. Prenez garde à vous. Je ne crois pas en Dieu, je ne vous bénis pas mais je vous souhaite bonne chance. Respectueusement. Antonina Velikanova.

traduction Tania Moguilevskaia, Gilles Morel


 

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